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Le financement de la politique de l'eau doit-il reposer sur la seule facture d'eau ?

Les services publics d'eau et d'assainissement doivent résoudre une difficile équation : les coûts augmentent, la consommation d'eau baisse, les ménages sont moins solvables. D'autres sources de financement semblent nécessaires.

Daniel Marcovitch, président du Comité consultatif sur le prix et la qualité des services du Comité national de l'eau (CNE) et conseiller de Paris, a présenté le 2 mai un rapport collectif dédié au financement et à la durabilité des services publics d'eau et d'assainissement. Cette présentation a été faite à l'occasion d'un débat organisé par le Cercle français de l'eau (CFE).

Il devrait alimenter les réflexions actuelles sur une modification de la politique de l'eau qui pourrait constituer le principal ordre du jour de la prochaine conférence environnementale en septembre.

Le prix de l'eau augmente

"La gestion des services publics d'eau et d'assainissement est en pleine mutation", constatent Laurent Roy, directeur de l'eau et de la biodiversité au ministère de l'Ecologie, et Jacques Pélissard, président de l'AMF, dans l'introduction du rapport.

Quelles sont ces mutations ? La réglementation se renforce, en particulier en matière de lutte contre les fuites et la protection de la ressource en eau. Les consommations d'eau déclinent, comme l'illustre la baisse remarquable de 31% constatée entre 2003 et 2008 sur l'agglomération nantaise. En revanche, le prix de l'eau… augmente.

Tant et si bien qu'il devient souvent le critère essentiel dans le choix de déléguer ou non la gestion des services d'eau et d'assainissement. "Plus la concurrence est forte, moins la gestion déléguée semble en odeur de sainteté", relève à ce propos Loïc Mahevas, président de Service Public 2000, société de conseil au secteur public en ingénierie contractuelle, qui soulève ce paradoxe, alors que le manque de concurrence dénoncé pendant longtemps a totalement disparu selon lui. L'ère du temps est à un retour massif en régie de nombre de services d'eau et d'assainissement.

Pourquoi constate-t-on une telle hausse du prix de l'eau ? Elle est rendue nécessaire par les règles sanitaires ou environnementales plus strictes, en particulier sous l'influence des directives européennes. Bernard Barraqué, directeur de recherche CNRS au Cired, estime ainsi à 150 milliards d'euros le coût de mise en œuvre en Europe de la directive sur les eaux résiduaires urbaines. La hausse du prix s'explique aussi par le nécessaire renouvellement des ouvrages. "Le renouvellement des canalisations est de plus en plus prégnant", confirme Daniel Marcovitch. Le financement du traitement des pollutions diffuses, de la gestion des eaux pluviales et de la prévention des inondations expliquent également cette évolution.

Qui doit payer : l'usager ou le contribuable ?

La question de fond du débat sur le financement des services est précisément celle de savoir si l'usager du service public d'eau potable doit payer à travers sa facture la totalité du coût de la politique de l'eau. Bernard Barraqué estime que c'est déjà "un scandale de payer l'assainissement dans la facture d'eau", les stations d'épuration ne rendant pas service à ceux qui y sont raccordés mais à ceux qui sont en aval. Et de prendre l'exemple des Pays-Bas où le prix de l'eau est éclaté en trois parties (adduction d'eau, collecte des eaux usées, épuration) payées à trois entités différentes : entreprise de distribution d'eau, commune, wateringue (équivalent chez nous d'un établissement public de bassin).

En tout état de cause, le principe de base de l'Ecole française de l'eau selon lequel "l'eau paie l'eau" atteint aujourd'hui ses limites, estime Daniel Marcovitch. Ce qui semblait logique dans le cadre du financement des services publics d'eau et d'assainissement au sens strict pose aujourd'hui question alors que "les frontières entre petit et grand cycle de l'eau sont de moins en moins marquées", explique le vice-président du CNE.

Et de donner des exemples de cette dérive : usagers finançant des usines pour traiter les pollutions diffuses des nappes souterraines, facture d'assainissement servant à garantir la qualité du milieu récepteur ou à gérer les eaux pluviales, financement des zones humides et des études sur les inondations par les redevances aux agences de l'eau. "Existe-t-il un rapport entre le consommateur et les sommes très importantes qu'il faudra mettre en œuvre pour l'effacement des dizaines de milliers d'ouvrages qui sont un obstacle à la continuité écologique des cours d'eau ou à la gestion des eaux pluviales ?", interroge ainsi l'élu.

D'autant que la facture d'eau ne pourra augmenter indéfiniment : pour près de deux millions de foyers, elle dépasse 3% du budget du ménage, avec des pointes allant jusqu'à 10% du budget.

Récupérer les coûts auprès de toutes les catégories d'usagers

Des adaptations du système existant paraissent donc indispensables. Daniel Marcovitch évoque plusieurs pistes qui vont de la lutte contre les fuites de réseaux au regroupement des services (plus de 31.000 services d'eau et d'assainissement en France) en passant par une meilleure participation des usagers, des aides sociales aux plus démunis et la recherche de nouveaux financements. D'autant que la directive cadre sur l'eau (DCE) impose une récupération des coûts auprès de toutes les catégories d'usagers.

"Une hausse des prix pour certains professionnels est envisageable", estime le président du Comité consultatif sur le prix et la qualité des services publics d'eau et d'assainissement, qui explique que, grâce aux déductions de charges, l'eau leur est actuellement facturée 30% moins chère qu'aux ménages. "Par ailleurs, le principe pollueur-payeur, principe fondamental de toute économie environnementale, est largement sous-évalué pour les agriculteurs", ajoute-t-il, "et cela au détriment des usagers domestiques".

Daniel Marcovitch se dit favorable à conserver les budgets autonomes de l'eau partout où cela est possible mais en permettant des participations extérieures des départements, communautés de communes et régions. "Les établissements publics de coopération intercommunale vont devenir un nouvel outil de mise en œuvre des directives avec la future loi de décentralisation", fait remarquer Pierre-Alain Roche, président de l'Astee, à ce sujet.

Vers une modification des textes

En tout état de cause, le contenu de cette étude devrait alimenter la réflexion du CNE qui doit également examiner les rapports des trois missions d'évaluation de la politique de l'eau en cours : l'une du député Philippe Martin sur la gestion quantitative, une deuxième du député Michel Lesage plus axée sur son côté qualitatif, la troisième étant une mission d'inspection gouvernementale relative au bilan à mi-parcours des Sdage.

L'ensemble de ces travaux alimentera les propositions de modification des textes sur l'eau que la ministre de l'Ecologie, Delphine Batho, devrait présenter à l'occasion de la prochaine conférence environnementale.

Source: actu-environnement.com



03/05/2013
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