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Protection de la faune et droits des populations : Quelles conciliations ?

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Le Burkina Faso abrite sur son territoire d’importantes ressources naturelles. Des zones arides et sahéliennes du Nord aux forêts arrosées du Sud, le pays donne à découvrir une diversité de ressources fauniques et floristiques.

Les ressources fauniques, représentent un capital considérable et un facteur d’attraction des visiteurs. Le Burkina Faso est ainsi reconnu comme étant une destination privilégiée pour découvrir la faune de l’Afrique de l’ouest. Plus de 2/3 de la population d’éléphants de la sous-région se trouvent sur son territoire

A cela s’ajoute plus de 35 espèces de grands mammifères comme l’hippotrague, le buffle, le bubale, le phacochère, le cob de buffon et plus de 350 espèces d’oiseaux résidants. La partie Est, Ouest et Sud du pays sont considérées comme les domaines des grands herbivores et des carnivores tandis que le Nord abrite essentiellement de nombreuses espèces d’oiseaux sédentaires et migrateurs.

De telles ressources fauniques, riches et variées, existent encore grâces à des mesures de protection qui ont été mises en place. Traditionnellement la conservation de la faune, sur le continent africain en général et au Burkina Faso en particulier, reposait sur le droit coutumier. En se référant à des coutumes ancestrales et des considérations religieuses une certaine protection était accordée à la faune.

Cette situation va pourtant connaitre une évolution avec la création de nouveaux Etats africains et la reconnaissance par la communauté internationale des menaces qui pèsent sur la biodiversité. La Haute Volta actuel Burkina Faso s’est doté dès les premières années de son indépendance d’une armature juridique qui va gouverner l’ensemble de son environnement. Cette armature juridique va tirer sa source tant des conventions internationales que de la loi fondamentale (Constitution) et d’autres instruments juridiques existants (législatif et règlementaire).

Sur le plan international, notre pays a ratifié des conventions à portée universelle et régionale qui entrent dans le cadre de la protection de l’environnement en général et des ressources de la faune en particulier. Il est partie à la Convention d’Alger du 15 septembre 1968, sur la conservation de la nature et des ressources naturelles.

Cette convention à vocation africaine a été révisée le 11 juillet 2003 à Maputo. Partie également à la Convention de Paris du 16 novembre 1972, sur la protection du patrimoine mondial, culturel et naturel ; le Burkina Faso a bénéficié de la reconnaissance en 1977 de la biosphère de la mare aux hippopotames comme patrimoine mondial.

Le complexe du parc W a lui aussi été érigé au titre des réserves de biosphères en 2002. Etant donné que les espèces fauniques ignorent les frontières, les Etats sont appelés à la coopération dans le domaine de l’environnement.

Le Burkina Faso a ratifié en 1984, avec le Benin et le Niger un Accord relatif à la lutte contre le braconnage. Et plus récemment en 2008 il a conclu l’Accord de Cotonou du 11 février 2008 relatif à la gestion concertée de la réserve de biosphère transfrontalière du W qui s’étend sur le Burkina Faso, le Benin et le Niger.

En plus de l’Accord de coopération avec le Ghana, en matière de conservation des ressources naturelles partagées.

Au niveau interne, la Constitution adoptée le 2 juin 1991 annonce dès son préambule la prise de conscience du peuple souverain du Burkina Faso, de « la nécessité absolue de protéger l’environnement ». Elle consacre ainsi la nécessité de la protection de l’environnement en général. Quant aux richesses et les ressources naturelles, au terme de l’article 14, elles appartiennent au peuple et sont destinées à l’amélioration de ses conditions de vie.

Par conséquent, la protection, l’exploitation et la valorisation des dites ressources sont soumises au respect par l’Etat et par les populations locales, des textes législatifs et règlementaires en vigueur. De nouveaux codes, plus adaptés, sont entrés en vigueur en 2011 et en 2013.

Il s’agit respectivement du Code forestier et du Code de l’environnement. Le premier qui nous sert dans cette analyse de principale référence, vise en particulier à établir une articulation harmonieuse entre la nécessaire protection des réserves forestières, fauniques et halieutiques et la satisfaction des besoins économiques, sociaux et culturels des populations locales.

Selon l’article 71 de notre Code forestier, la faune se définit comme « l’ensemble des animaux sauvages, vivant en liberté dans leur milieu naturel ou maintenus en captivité, à l’exception des poissons, des mollusques et des crustacés ».

En vue de la conservation de ces différentes espèces et de leurs habitats, la loi a prévu la création des aires de protections fauniques sur l’étendue du territoire national. D’une douzaine d’aires protégées en 2008, le pays comptait en 2012, 27 aires protégées à but faunique sur un espace de 3 287 925 hectares. Les parcs nationaux; les réserves de faune (totales ou partielles); les réserves de la biosphère ; les sanctuaires; les ranches; les refuges locaux; les zones villageoises d’intérêt cynégétique constituent nos aires protégées.

En vue d’établir une distinction entre ces aires, le législateur a pris le soin de les définir et de préciser leur mode de constitution. Une aire protégée de la faune burkinabè, peut être constituée soit par un acte législatif, soit par un acte réglementaire. Par exemple, seuls les parcs nationaux, les réserves totales, les réserves de la biosphère et les sanctuaires sont constitués en vertu d’une loi.

Les autres aires se constituent par voie règlementaire. Et si nous considérons, la théorie de la hiérarchie des normes juridique posée par H. KELSEN, il est juste de dire qu’une aire protégée constituée en vertu d’une loi, bénéficie d’une protection juridique supérieure à une aire constituée par un acte règlementaire.

Cela se justifie fondamentalement plus sur le plan théorique que sur le plan pratique, car un espace protégé créé par une collectivité territoriale c’est-à-dire par voie règlementaire locale ; bénéficie en plus de la reconnaissance par la population locale d’une bonne protection.

En outre, chaque aire faunique, une fois constituée doit faire l’objet d’un plan d’aménagement qui est approuvé par le ministre de tutelle. Ledit plan définit les infrastructures à réaliser et précise les activités qui peuvent être menées à l’intérieure de l’aire de protection.

Il renseigne aussi sur la prise en compte ou non des droits des populations locales et riveraines. Malheureusement, au Burkina Faso de nombreuses aires protégées ne disposent pas ou ne respectent pas scrupuleusement ce document pourtant nécessaire à la mise en place d’une gestion harmonieuse et durable de notre faune. Cela est dû au fait que la volonté d’aller vers une mise en œuvre effective fait défaut; et au fait que les plans d’aménagement manquent de légitimité. Ils sont parfois en déphasage total avec les premiers besoins des populations.

L’Etat burkinabè est davantage encouragé à conjuguer à la fois légalité et légitimité des plans d’aménagement de chaque aire. La volonté de protéger l’environnement et en particulier la faune, exige une prise en compte des besoins ou droits économiques et socio-culturels des populations locales. Une conciliation doit être toujours faite.

Du reste, notre règlementation nous donne à voir selon les différentes aires, une conciliation plus ou moins réussie.

Dans les réserves partielles et les ranchs, les activités de chasse sont autorisées à la population locale. Dans le ranch de gibier de Nazinga la population est autorisée en plus de la chasse à y récolter le miel et cueillir des plantes médicinales. Au niveau des refuges locaux, les communautés locales sont partie prenante à la gestion. Elles bénéficient du droit de définir les activités qui peuvent être autorisées à l’intérieur des refuges locaux. Quant aux zones villageoises d’intérêt cynégétique, elles constituent des parties du terroir des communautés de base et sont affectées par elles à l’exploitation des ressources cynégétiques.

Elles mettent en emphase également la participation des populations locales à la gestion avec une prise en compte de certains de leurs droits économiques sociaux et culturels. La réglementation prévoit en effet, que les redevances et les taxes collectées dans le cadre de la gestion des refuges locaux et des zones villageoises d’intérêt cynégétiques soient reparties entre les budgets locaux et les organisations villageoises de gestion de la faune.

Ainsi prévues, les ressources de la faune doivent revêtir un intérêt économique pour les populations locales. Elles doivent être une source de revenus considérable à travers les activités écotouristiques et commerciales  comme la vente de la chasse, des produits forestiers ligneux ou des produits artisanaux locaux. S’inscrivant dans la dynamique d’une gestion décentralisée des ressources faunique, le Code général des collectivités territoriales de 2004, permet aux collectivités d’organiser leur espace rural en trois zones que sont : la zone d’habitation, la zone de production et la zone de conservation.

Avec la dégradation progressive de leur environnement, les communautés locales qui se sentent ainsi impliquées dans la définition et la conservation de leur espace naturel ; sont motivées par le souci de pouvoir continuer de vivre sur leurs terroirs, de protéger leurs terres et de pouvoir les transmettre aux générations futures. L’exemple du village de Boumoana (Sud) est éloquent.

Ses habitants frappés par la raréfaction des animaux qu’ils avaient l’habitude de chasser et face à la dégradation de leur espace naturel, ont formé un comité villageois de gestion des ressources de la faune afin de protéger les parties de leur territoire encore intactes. Avec neuf autres villages ralliés à la cause, l’ambition est de créer une zone inter-villageoise d’intérêt cynégétique.

Au-delà de ces exemples de conciliations, il faut aussi noter des atteintes non moins graves aux droits fondamentaux des populations locales.

Dans les parcs nationaux nos populations sont dépossédées de tous droits d’usage traditionnels. Ils n’ont aucun droit de pâturage, de chasse, de défrichement, d’exploitation agricole… Un tel régime juridique, très restrictif, n’est pas sans conséquence sur la vie des riverains du parc national du W (dans la Tapoa), du parc national de Pô ou du parc national d’Arly (région de l’Est). Même si des mesures compensatrices sont prévues, elles ne sont pas toujours satisfaisantes. Et occasionnent d’autres frustrations au sein des populations. De plus en plus nous assistons à l’expropriation de certains espaces pour cause d’utilité publique.

Il se trouve que l’usage ce droit par l’Etat ou ses collectivités ne fasse pas toujours l’objet d’une communication suffisante avec les populations qui vivent sur ces espaces. Toute chose qui peut provoquer des incompréhensions, et susciter des comportements prédateurs liés à un très fort sentiment de confiscation des ressources.

Aux yeux des villageois les aires protégées sont devenues les seules bonnes terres, telles qu’ils les avaient connues autrefois, et sur lesquelles ils pensent avoir des droits. Aujourd’hui, ces habitants sont considérés comme   des prédateurs assoiffés de gibier et de terres fertiles à défricher alors qu’ils ne cherchent qu’à survivre par la satisfaction de leurs besoins quotidiens. Au lieu d’être un facteur de développement économique local, les aires protégées de la faune voire des ressources naturelles sont devenues, comme le disait Sournia (1990) ‘‘des garde-manger entourés par la faim’’.

Raison de plus pour aller au-delà des actions de protection physique du territoire pour améliorer les conditions naturelles favorables à la survie des populations locales. Par ailleurs, si elles ne sont pas exclues des aires protégées, les populations riveraines sont parfois menacées par l’augmentation des troupeaux d’animaux dans ces aires qui, ne font pas l’objet de contrôles réguliers par les services techniques de l’environnement.

Il n’est plus rare que des villageois se plaignent de la destruction de leurs cultures agricoles par les éléphants, les phacochères et les singes, qu’ils n’ont même pas le droit de chasser. Il est même question d’un nouveau type de conflit. Le conflit hommes-éléphants. A titre illustratif, autour de la réserve de faune partielle de Pama (Est), des éléphants ont détruit les cultures des villages riverains. Ces grands mammifères ne se sont pas limités aux cultures puis que des arbres entiers, importants pour la suivie des populations ont été déracinés.

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18/02/2015
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