Dépotoirs des temps modernes
Des réfrigérateurs, des voitures, des ordinateurs, des téléviseurs, etc. Presque tout s’achète actuellement, en seconde main ou « France au revoir » au Burkina comme dans plusieurs pays africains. L’aspiration des populations à vivre avec plus de confort aidant, le marché devient de plus en plus florissant et les points de vente se multiplient dans le pays. Le phénomène est tellement ancré qu’il existe même des médicaments, des jouets pour enfants, des perruques « France au revoir ». On ne peut compter un, deux, trois, quatre… sans que le ou la cinquième boutique ne soit celle de vente de matériel venu de l’autre côté de la Mer rouge, aux fins d’espérer une seconde vie. Le taux de pénétration des ordinateurs personnels en Afrique, par exemple, s’est multiplié par 10, au cours de la dernière décennie, tandis que le nombre d’abonnés à la téléphonie mobile a centuplé. Ce commerce a son système de vente et de marchandage propre.
Il n’y a pas d’essai, ne parlons pas de garantie, ni de service après vente. Une fois l’achat fait, si par chance votre poste téléviseur, votre congélateur que vous venez d’acquérir fonctionne parfaitement, tant mieux, dans le cas contraire, tant pis.
Ces machines à la durée de vie incertaine se retrouvent après quelques mois d’utilisation (pour les plus chanceux) à la poubelle ou dans les canaux d’évacuation des eaux usées. De véritables ordures destinées à la casse sont ainsi parquées dans des containers pour les pays du Sud. Le problème est que personne ne se soucie des conséquences environnementales et sanitaires de ces produits.
Si aucune politique n’est menée pour collecter et recycler ces équipements, de nombreux pays vont se retrouver avec des montagnes de déchets électroniques dangereux, avec des répercussions graves sur l’environnement et la santé publique. La plupart du matériel qui arrive est souvent interdit d’usage dans les pays d’origine. Par exemple, la batterie d’un téléphone est petite, mais elle est toxique et peut polluer environ 600 litres d’eau difficilement traitable. Le tube cathodique de l’ordinateur renferme une substance qui, inhalée, fait grossir le cerveau de manière irréversible. Les équipements électriques et électroniques peuvent contenir des substances dangereuses (par exemple, des métaux lourds, tels que le mercure et le plomb et des perturbateurs endocriniens tels que les retardateurs de flamme bromés).
Des substances dangereuses sont rejetées au cours de diverses opérations de démontage et d’élimination, les rejets étant particulièrement considérables lors du brûlage de câbles pour en extraire le cuivre et de plastiques pour réduire les volumes de déchets. Le brûlage de câbles en plein air est une source majeure d’émission de dioxine, un polluant organique persistant, transporté sur de longues distances dans l’environnement, et qui s’accumule dans les organismes, en remontant la chaîne alimentaire globale. Et que dire du CO2 dégagé par les véhicules « France au revoir » ou du CFC dégagé par des congélateurs très nocifs à la couche d’ozone ? Toutefois, Il ne faut pas jeter le bébé avec l’eau du bain, car bien gérés, les déchets électroniques peuvent ouvrir des possibilités en matière d’emplois, de diminution des émissions et de récupération de métaux précieux : argent, or, palladium, cuivre et indium. En effet, les équipements électroniques contiennent jusqu’à 60 différentes composantes !
Les téléphones et les ordinateurs portables consomment 3% de l’or et de l’argent récoltés chaque année, 13% du palladium et 15 % du cobalt. Ces chiffres montrent qu’à défaut d’interdire le phénomène, un contrôle du secteur permettrait à l’Etat et aux populations de mieux en tirer profit.
Raphaël KAFANDO
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