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Récupération des terres agricoles: Des techniques simples, mais efficaces

Le Burkina Faso à l’instar de nombreux pays sahéliens fait face depuis quelques décennies à une dégradation accrue de ces terres réduisant du même coup les productions agricoles. Loin de tous tapages médiatiques et grands discours, des paysans de la région du Nord se battent contre cette adversité dans la nature en appliquant des techniques naturelles qui favorisent la régénération des terres.

 Un sol caillouteux d’où poussent des milliers d’arbres. Cela se passe à Zongbèga, province du Passoré dans la région du Nord au Burkina. « Nous avons remarqué que le climat devient de plus en plus rude dans tous les pays. Avec l’aide des structures comme le réseau pour la Promotion des approches participative (MARP Burkina), j’ai décidé de pratiquer les techniques de cordons pierreux pour conserver l’eau de ruissellement. Ensuite j’ai pratiqué la technique du Zaï », nous confie Boukary Boutou Ouédraogo. Il ajoute que depuis 15 ans, il lutte pour récupérer ce sol qui, maintenant, est peuplé de plus de 36 espèces avec 2034 arbres. « Quand il y a de forts vents, le mil que j’ai semé est protégé par les arbres. Même en période sèche, l’humidité perdure dans mon champ à cause des arbres. Les feuilles des arbres constituent après de l’humus pour nos champs. Les arbres produisent des fruits que nous vendons. Nous prenons l’exemple du Karité dont les fruits et les graines deviennent de plus en plus en prisés. Nous prélevons également du bois pour la cuisine », se réjouit Boukary Ouédraogo.
Chez Boureima Ouédraogo à Gourcy dans le Zondoma, la situation est presque pareille. Il affirme que depuis sa naissance l’endroit qu’il exploite a toujours été un désert car aucun plant n’y pousse. « Maintenant avec les techniques du Zaï, des cordons pierreux et des demi-lunes. Nous pouvons récolter près de 9 charrettes dans la saison », déclare-t-il.
Il révèle que compte tenu de la dureté des sols, il se préparait à immigrer en Côte d’ivoire mais avec la réussite des techniques, il a préféré resté. Aujourd’hui il est le président des paysans innovateurs et il tente de sensibiliser les autres paysans à suivre son exemple. Quant à Ousséni Zoromé à Somiaga dans le Yatenga, cela fait plus de 30 ans qu’il travaille à récupérer le sol nu qu’il avait trouvé en 1979 à son retour de la Côte d’Ivoire. Il exploite actuellement plus de 30 ha avec plus de 3800 arbres qui recolonisent la zone sans aucun acte de reboisement quelconque.

« Une forêt » en pleine région sahélienne

« Une forêt » en pleine région sahélienne. Telle est la première impression qui habite tout visiteur qui fait un tour sur le terrain de Yacouba Sawadogo à Gourga dans le Yatenga. Surnommé le « fou qui arrête le désert », le vieux Yacouba a commencé à travailler sur cette terre totalement dénudé il y a environ 38 ans. « Ces arbres que vous voyez permettent de conserver le sol, de soigner de nombreuses maladies, de nourrir les populations à travers les fruits », raconte Yacouba. Et Harouna Romaric Dialla du réseau MARP, de renchérir que l’endroit est devenu un site internationa. Malheureusement, il prévient que le site est menacé car les lotissements empiètent sur le terrain. « Il y a des gens qui commencent déjà à construire. Le site est donc menacé avec son flore et sa faune diversifiée. Yacouba Sawadogo est en train de frapper à toutes les portes pour que le site soit préservé, mais jusqu’à présent rien n’y fait », déplore-t-il.
Pour arriver à ce résultat, Yacouba Sawadogo précise qu’il a réalisé les cordons pierreux qui freinent le ruissèlement de l’eau. « Après ce processus, la sédimentation de la terre et la couche arable augmentent. En ce moment, il ya une rétention d’eau qui s’infiltre et la nappe phréatique monte et permet une reconstitution de la flore », révèle-t-il.
Un autre « fou » c’est Ousséni Kindo de Bogoya dans le Yatenga qui, sur ces 6,5 ha, récolte près de 25 charrettes rien que le sorgho sans compter le haricot et autres cultures. Pourtant il y a 34 ans personne ne vendait chère sa peau quand il décida de s’engager sur ce terrain nu. « Il existe plus de 300 baobabs sur mon terrain actuellement. Nous vendons les feuilles et je peux avoir 150.000F CFA au minimum par saison hivernale », se réjouit-il. Selon le président du réseau MARP, Mathieu Ouédraogo, l’Etat doit s’engager à promouvoir et à vulgariser de telles pratiques sur tout le territoire burkinabè. « Si tout le monde s’engage dans cette stratégie, nous irons plus vite en matière de reverdissement et d’atteinte de l’autosuffisance alimentaire. Depuis des décennies, nous organisons au Burkina des campagnes de reboisement qui nous coûtent chères alors que cette stratégie de vulgarisation horizontale ne coûte pratiquement rien et nous permet d’avoir des résultats probants », affirme-t-il. Il propose par exemple que L’Etat organise des concours de meilleurs producteurs de la Régénération naturelle assistée (RNA) à travers ses structures décentralisées.
Il se dit convaincu que ces techniques peuvent être une des solutions pour régler les problèmes environnementaux, agricoles et de pauvreté au Burkina car ce sont des techniques simples sans utilisation de produits chimiques, mais très efficaces.
Même son de cloche chez Urbain Zoungrana, du ministère de l’Agriculture qui reconnaît que c’est une très bonne pratique qu’on gagnerait à améliorer auprès de tous les producteurs car il permet de mieux conserver le sol, l’eau et toutes les espèces locales qui sont en voie de disparition.

Raphaël KAFANDO



23/07/2012
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