Sécurité alimentaire : quelles perspectives pour l’Afrique de l’Ouest ?
En 2025, l’Afrique de l’Ouest comptera environ 400 millions d’habitants. Un peu plus de la moitié de cette population vivra en ville. Il s’agit là, d’une transformation majeure qui soulève beaucoup d’inquiétudes quant à ses implications sur les conditions de vie des populations. Elle pose l’épineuse question de la nature des choix publics idoines à mettre en œuvre pour satisfaire convenablement les besoins des populations qui en découlent : santé, éducation et surtout alimentation.
Dans un document du Dr Bio Goura Soule, intitulé « Les perspectives de sécurité alimentaire pour l’Afrique de l’Ouest jusqu’en 2025 », il est fait cas des défis alimentaires qui se posent à la sous-région ouest-africaine dans les 10 années à venir. En effet, l’Afrique de l’Ouest est confrontée depuis le début des années 1930, à des crises alimentaires et nutritionnelles cycliques. Ces crises ont pris, ces dix dernières années, une forme répétitive combinant formes structurelles et conjoncturelles, en dépit des réformes entreprises sur le front des politiques agricoles et alimentaires. Selon le Dr Bio Goura Soule, l’Afrique de l’Ouest se singularise encore par sa très forte croissance démographique. C’est la seule région au monde où l’effectif de la population double presque tous les 25 ans. Bien que formellement, il n’existe pas de relation de cause à effet entre croissance démographique et insécurité alimentaire, on constate cependant, que la poussée démographique en Afrique de l’Ouest commence à constituer une donnée fondamentale en lien avec les mutations de peuplements qui l’accompagnent.
La transition démographique tarde à se mettre en place et la région doit faire face à un accroissement rapide de la demande alimentaire qui, elle-même, connaît une profonde mutation sous l’effet de la forte urbanisation et surtout, des changements d’habitudes alimentaires. Il en résulte de nombreuses contraintes à la satisfaction des besoins alimentaires des populations régionales. « De même[…] les activités agricoles et pastorales en souffrent énormément, en l’absence de stratégies et de méthodes d’adaptation avérées. La dégradation continue de l’environnement hypothèque ainsi, la capacité de résilience des populations agricoles et pastorales, face aux chocs répétés : inondations, sécheresses, retard dans la mise en place des pluies, etc. », fait remarquer le Dr Goura Soule.
Enfin intervient le marché, qui est encore marqué, d’une part, par une faible interconnexion entre les zones de production excédentaire et les bassins déficitaires, d’autre part, par de nombreuses fragmentations des politiques commerciales, fiscales et douanières. Le marché régional est par ailleurs, soumis aux effets de l’imperfection du marché international, du fait de sa très forte ouverture. Le rôle moteur qui est attendu du marché dans la gestion de la sécurité alimentaire régionale, à travers la fluidité des échanges et une relative prévisibilité des prix des produits alimentaires, souffre encore de l’absence d’une véritable politique commerciale régionale, garante de l’atteinte des objectifs fixés aux autres politiques sectorielles, agricole et industrielle.
Au regard de son analyse, le Dr Bio nourrit un optimisme modéré sur les perspectives de sécurité alimentaire et nutritionnelle en Afrique de l’Ouest. Les mutations en cours (augmentation de la production et de la productivité) sont encore trop lentes pour espérer une éradication de la faim à l’horizon 2025. En effet, les politiques publiques, tant au niveau régional, national que local, sont encore peu coordonnées pour infléchir, de façon significative, la faim et la malnutrition dans la sous-région. « Il n’est pas exagéré d’affirmer que la gouvernance des trois phénomènes qui paraissent déterminants pour la sécurité alimentaire et nutritionnelle régionale, souffre de pertinence et d’efficacité… », a-t-il ajouté.
Le changement et la variabilité climatiques s’imposent de plus en plus comme des contraintes majeures à l’amélioration de la production. Bien que la recherche ait mis au point des paquets technologiques innovants, leur diffusion et leur transfert vers les producteurs et les éleveurs souffrent encore de nombreuses défaillances. Le marché régional manque encore d’une politique commerciale conforme aux orientations des autres politiques sectorielles (agricole, notamment). Au regard du rôle déterminant qu’il joue et est appelé à jouer dans la garantie de la sécurité alimentaire, le marché régional doit être réformé en profondeur, à travers le développement des infrastructures, le renforcement des réseaux d’acteurs, la promotion d’instruments de concertation multiacteurs, la promotion de nouvelles chaînes de valeurs et la levée des obstacles aux échanges régionaux.
Plus globalement, il s’agit d’améliorer la gouvernance des enjeux agricoles, alimentaires et nutritionnels régionaux, renforcer le leadership de la région sur toutes les initiatives en cours, et le développement des politiques intersectorielles qui permettent de coordonner les actions de tous les intervenants.
Raphaël KAFANDO
A découvrir aussi
- Journée mondiale de l’environnement : Lutter contre le gaspillage alimentaire
- Coton OGM au Burkina : ce qu’on ne nous dit pas !
- De nouveaux filets anti-insectes adaptés à l’agriculture subsaharienne
Inscrivez-vous au blog
Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour
Rejoignez les 68 autres membres