Stress hydrique au Burkina: La faune en danger
L’année 2011 au Burkina a été marquée par une pluviométrie capricieuse, ayant entraîné un tarissement rapide de la quasi totalité des mares et des cours d’eau, traversant les aires fauniques. Pour répondre à cette situation qui met en péril la faune, le ministère en charge de l’Environnement a mis en place un plan d’urgence visant à réaliser des forages dans les différentes zones. C’est dans ce cadre qu’une mission du ministère a séjourné, du 14 au 17 mars 2012, dans la région de l’Est.
Il est 10h 20 mn, le vendredi 16 mars 2012, à la mare de Tamalé, située dans le parc W dans la Tapoa. Un phacochère tourne en rond à la recherche d’eau. Ayant reniflé entre-temps, une présence humaine dans la zone, il tend sa queue pour mieux appréhender le danger, mais l’envie de boire est plus forte que tout, puisque malgré la présence de l’équipe du Ministère en charge de l’environnement, il n’était pas décidé à quitter les lieux. Il fait donc un dernier tour et finalement, se résigne à rebrousser chemin et disparaît dans la savane. Cette scène, des milliers d’animaux sauvages la vivent actuellement en ces temps de saison sèche, où pratiquement tous les points d’eau sont asséchés.
Pour répondre à une telle situation inquiétante, le ministère en charge de l’environnement a dépêché, du 14 au 17 mars 2012, dans la région de l’Est, une mission pour faire l’état des lieux et échanger avec les acteurs impliqués dans la protection des aires de faune. « Cette année, nous avons eu une pluviométrie déficitaire avec comme conséquence, le tarissement précoce des points d’eau au niveau national et surtout, des aires de protection de la faune. Pour donner une réponse aux effets du stress hydrique, nous avons, au niveau du Ministère de l’environnement et du développement durable, introduit une requête auprès de nos partenaires financiers qui ont accepté de nous accompagner pour qu’on puisse mettre en œuvre des actions.
C’est en ce sens que la Banque mondiale nous a alloué une somme de 350 millions de FCFA pour réaliser des forages dans ces zones. Nous sommes sortis pour faire le point au niveau des besoins d’un certain nombre d’aires protégées, pour voir dans quelle mesure mettre en œuvre le plus rapidement possible, le plan d’urgence », précise Pierre Kafando, directeur de la faune et des chasses. Du parc d’Arly au parc W et dans les différentes zones de chasse, la situation n’est guère rassurante.
Selon le chef d’unité de gestion d’Arly, Yemboada Georges Namoano, les animaux souffrent énormément au niveau de sa zone, du fait que plusieurs mares sont déjà asséchées alors qu’habituellement, ces points d’eau avaient de l’e’au jusqu’en avril-mai.
Des éléphants obligés de creuser des puisards pour accéder à l’eau
Ce n’est pas cet éléphant trouvé en train de patauger dans la boue au niveau de la « mare Cyril » qui dira le contraire. « Je connais bien cet éléphant. C’est un solitaire et ce sont des espèces qui boivent au moins 100 litres d’eau par jour. Avec l’assèchement de la mare, des éléphants comme ce vieux solitaire sont obligés de creuser des puisards pour pouvoir accéder à l’eau », explique M. Namoano. Il ajoute que la « mare Cyril » s’assèche habituellement vers mai, juin, mais que cette année, elle est déjà pratiquement sans eau. « De plus, la mare est complètement ensablée. Il faut donc nécessairement, la curer. L’idée de la Banque mondiale, de permettre au ministère de nous accorder des forages est donc la bienvenue », souligne-t-il. Le directeur de la faune et des chasses, Pierre Kafando, fait remarquer que la même situation est vécue dans un endroit appelé « cabane des éléphants » au niveau du parc W. « La cabane des éléphants est le seul endroit où pendant la saison sèche, les pachydermes se retrouvaient et faisaient des puisards pour trouver l’eau. Nous avons constaté que les puisards sont tels que les autres animaux comme les buffles, les antilopes et même les éléphanteaux n’arrivent plus à s’abreuver et sont piégés dedans jusqu’à leur mort. C’est ainsi que African wildlife foundation (AWF) nous a soutenus pour implanter un forage dans cette zone », déclare-t-il. Il affirme qu’avec ses 235 ,000 ha, le parc W n’a aujourd’hui que trois forages fonctionnels. C’est pourquoi il pense que le plan d’urgence élaboré par le ministère en charge de l’environnement est très nécessaire pour sauver la faune burkinabè. Sinon, dit-il, il y a le risque d’avoir une forte mortalité d’animaux induite par le stress hydrique et ses corollaires (déshydratation, embourbements, maladies, etc.), particulièrement chez les jeunes sujets. Il y a aussi un risque de migration des espèces et de concentration vers des points d’eau permanents, les rares points ou cours d’eau permanents et un risque de sortie des grands mammifères (éléphants, buffles, hippotragues, bubales, damalisques) de leur habitat naturel vers les grands barrages et les points d’eau permanents. Ce qui aura pour conséquence immédiate, une augmentation des conflits homme/ faune.
Une situation catastrophique…
« Le plan d’urgence va nous permettre de mettre à la disposition des différentes aires protégées, de l’eau. Dans la région de l’Est, nous allons fournir un forage alimenté par un groupe électrogène par concession de chasse, deux forages pour chacun des parcs W et d’Arly alimentés par des panneaux solaires. En plus, il est prévu la réhabilitation d’un certain nombre de forages qui sont en panne et de faire des cuvettes pour pouvoir retenir l’eau. Pour ces cuvettes, nous avons adopté le système HIMO (Haute intensité de main- d’œuvre) qui va permettre à la population riveraine de participer à ce plan d’urgence et de bénéficier de ces aires protégées. Nous allons également offrir du carburant aux concessionnaires pour faire fonctionner les groupes électrogènes, durant deux mois », a indiqué M.Kafando. Les concessionnaires de chasse ont bien apprécié l’initiative et n’ont pas manqué de le signifier à la mission du Ministère de l’environnement. Pour le concessionnaire de Koakrama, Abdoulaye Idani, toutes les mares de sa zone sont asséchées, sauf celles qui sont équipées de panneaux solaires. « Nous avons au total, 8 mares et 3 forages. Je pense que l’Etat doit privilégier ces types de solution, c’est pourquoi j’apprécie l’initiative du Ministère en charge de l’environnement de nous accompagner, en nous dotant chacun d’un forage, même si je souhaite que l’Etat nous donne chacun 3 forages. Mais nous les concessionnaires, nous devons davantage investir sur les forages », estime-t-il. Le directeur des aménagements et de la valorisation de l’Office national des aires protégées, Barnabé Kaboré, rappelle que le pilotage du plan d’urgence est assuré par l’Office national des aires protégées et qu’un comité ad hoc a été mis en place pour superviser l’ensemble des activités.
Le comité est composé, entre autres, des services du Ministère en charge de l’environnement et des représentants des concessionnaires. Il s’est réuni à plusieurs reprises et a été revu, en concertation avec les acteurs. Le constat après cette sortie, selon lui, est que les choses doivent s’accélérer, car les animaux souffrent beaucoup du manque d’eau. Et le directeur de la faune et des chasses de renchérir en ces termes : « Le constat est que la situation est catastrophique, parce que la plupart des mares sont asséchées ou en voie de l’être et seules les mares équipées de forage fonctionnent toujours ». Il garde l’espoir que d’autres partenaires, à l’instar d’AWF, de la Banque mondiale viendront au secours de la faune burkinabè. « Le plan d’urgence montre que l’Etat fait quelque chose pour sauver la faune, mais 350 millions deFCFA pour une vingtaine d’aires de protection de la faune, c’est insignifiant », déplore-t-il. Il espère que ce plan va motiver d’autres partenaires à les soutenir pour la sauvegarde de ces animaux qui n’ont que la brousse pour survivre.
Raphaël KAFANDO
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La richesse biologique du parc W
Situé sur trois pays, le Niger, le Bénin et le Burkina Faso, le parc W tire son nom des méandres du fleuve Niger. Les animaux sauvages y sont très nombreux. Cette région vaste de plus d’un million d’ha de savane, constitue l’un des derniers bastions de la grande faune d’Afrique de l’Ouest. C’est l’une des rares zones de l’Afrique de l’Ouest où l’on peut observer facilement quatre des « big five » (éléphant, buffle, lion, guépard), en toute liberté. On peut aussi y trouver des grands mammifères qui ont presque disparu ailleurs, comme le guépard et le lycaon. Depuis 1954, le parc W est devenu un symbole dans la conservation de la faune et des milieux naturels typiques qu’elle renferme. C’est également la première réserve de la biosphère transfrontalière en Afrique et la plus grande au monde. Le parc du W allie une grande variété de paysages de forêts sèches et de savanes traversés par des rivières. C’est le refuge de troupeaux d’éléphants, d’hippopotames, de gazelles, des cobs et de tous les grands carnivores africains. On peut y observer 73 espèces de grands mammifères, plus de 450 espèces d’oiseaux, plus d’une centaine de reptiles, de nombreux insectes dont certains propres à la zone comme le très beau et rarissime « sphinx du W ». A titre d’exemple, en France, on dénombre une petite centaine d’espèces d’oiseaux.
R.K. R
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Un exemple d’intégration entre hommes et singes…
L’un des faits marquant du périple de la mission du Ministère en charge de l’environnement est le village des travailleurs du campement d’Arly dans lequel cohabitent les hommes et les singes. Une vingtaine, une centaine, on ne saurait le dire. Toujours est-t-il qu’une grande colonie de singes vit avec les habitants du village.
Ces singes se pavanent à côté des habitations avec les enfants et gare aux habitants, si une assiette ou une marmite traîne dans les habitations. Ils s’en servent allègrement. Toutefois, le chef d’unité de gestion d’Arly, Yemboada Georges Namoano rassure que ces « deux populations » vivent en parfaite harmonie. Comme quoi, l’intégration, ce n’est pas seulement entre les hommes…
R.K.
Un scientifique dans le parc W…
Le parc W en plus d’être une zone exceptionnelle pour le tourisme, est également utilisée par les scientifiques. C’est le cas du Dr Moumouni Ouédraogo, représentant d’AWF pour le compte du complexe WAP qui était là pour des recherches sur la faune. Il a expliqué que compte tenu du stress hydrique, la fondation AWF apporte un appui pour résoudre ces contraintes. Il a placé des caméras dans les différents points d’eau et mares asséchés pour mesurer la fréquentation des animaux sauvages de ces endroits, observer les espèces rares ou nocturnes pour avoir une idée de l’impact de ces points d’eau sur la faune. « La caméra est programmée pour faire des photos instantanés. A chaque fois qu’un animal se place devant la caméra à une certaine distance, il y a une photo qui est automatiquement prise et à intervalles de 10 secondes », a-t-il affirmé. Ce système lui permet de disposer de photos inédites par semaine.
R.K
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